Un
jour, on m'a demandé une photo de moi, une image pour que l'on me
reconnaisse, une photo d'identité. J'ai parcouru mes photographies,
dans lesquelles je suis très souvent présente en train
d'expérimenter une idée, et je me suis aperçue que jamais on ne
voyait mon visage. Alors pourquoi pas questionner le portrait
photographique? Le mien, celui des autres, que je n'avais jamais
encore osé. Comment ne pas me sentir intrusive avec un appareil
photo entre les mains et entre nous?
Comment
me laisser regarder dans les yeux?
J'ai
mis en place une règle du jeu pour travailler le portrait en
proposant à des amies-complices de partager un moment à se regarder
et à se donner à voir réciproquement.
Je
remercie joyeusement de s'être prêtées au jeu : Aurore, Babeth,
Carine, Christine, Claudine, Clotilde, Emma, Géraldine, Iolanda,
Lucille, Marie-Pierre, Marine, Olivia.
pour l'exposition :
« On
ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve »
d'après
Héraclite
un
titre à rallonge pour parler de ce qu'est la photographie : une
trace de lumière à un moment donné qui n'est déjà plus. Pourtant
le regard que l'on porte à cette image est susceptible de révéler
un tout autre univers, à l'image de celui qui regarde?
Entre
le réel et la fiction.
On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve est un travail autour du portrait photographique, genre jusque là inédit dans l’œuvre d’Aurélie Gatet.
Il s’agit de
dialogues-images résultant de différentes séquences de partages
entre l’artiste et ses amies. Ces diptyques sont ainsi le fruit de
la capture d’un instant d’amitié, de confidence, de complicité.
Entre naturel et artificiel, ces portraits se posent en souvenirs
vivants de l’unicité d’un moment partagé. Pour leur
réalisation, les amies de l’artiste ont dans un premier temps
emprunté son appareil photographique pour réaliser son portrait
puis elles sont passées à leur tour derrière l’objectif
prolongeant ainsi le partage amical en partage créatif et
pérennisant de la sorte la fugacité d’un précieux moment de
convivialité. Sans pose ni expression imposées, simplement guidées
ou au contraire abandonnées à toute liberté, les personnes
photographiées livrent des portraits qui par leur diversité
témoignent de la singularité de chacune de ces rencontres. Loin
d’une volonté de séduction souvent inhérente aux portraits,
ceux-ci visent au contraire à refléter l’authenticité et la
spontanéité. Réalisés tantôt à l’extérieur, tantôt à
l’intérieur, l’arrière-plan teinte ces diptyques d’une
atmosphère particulière, celle qui a auréolé ces rencontres :
on passe ainsi d’un jardin public à l’intimité d’un
appartement, d’un espace ouvert à un espace clos.
Les portraits jouent
parfois sur un cadrage coupant le visage. L’identité apparaît
alors sous forme d’indices, comme la peau ou encore un bijou,
renforçant ainsi le caractère personnel et intime de l’image. La
complicité entre les deux modèles est plus ou moins apparente selon
les diptyques : parfois elle est visuellement renforcée par la
similitude de la pose (même sourire, même direction du regard) ou
par un élément ou encore une couleur qui se répondent d’une
photographie à l’autre, tandis qu’au contraire parfois aucun
lien apparent ne semble unir les modèles. De même, les expressions
des visages demeurent très variées. La sélection et le choix de
juxtaposition des photographies ont été réalisés par Aurélie
Gatet. Elle nous présente des fragments de moments vécus, de
moments intimes qu’elle nous offre pudiquement. Les personnes
représentées ont pu expérimenter la double difficulté du
positionnement autour de l’appareil photographique : devant
l’objectif et derrière le viseur. Les diptyques nous offrent ainsi
une double représentation de ces personnes : celle de leur
aspect extérieur et celle de leur intériorité, rendue au travers
de leur sensibilité créatrice. Aurélie Gatet nous donne à voir
sans rien dévoiler, laissant à l’imagination du spectateur le
soin d’établir un lien, de reconstituer un dialogue et de
retrouver ou de recréer l’atmosphère qui enveloppe ces moments
capturés.
Marine Laplaud
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